Sonate à Bell-Meucci

Amérique
Allegro

Rital naïf
montre sa gêne.
Mec givré, vif valium, délira.
Le pair mandé
n’a aboli dû triché.
Suave félin vit filon:
bingo !
Magot sécha, enfla cave.
« Ah, hais lois ! »
Le vil mâtin flua,
le roc mité.
De rival mortel créa un gus enlisé.
« A-t-on le mors tiré ?
châtré, nul turk ?
L’or, toc déifié, a fan :
Lacs, sable chic, trek, ski, clops.
Te planter là ? OK »
Lors, sali, gnome roui, puni,
retira ken gênant.
« S’il m’a délié
j’avale gros suçage.
Hé, fiel n’amollit palais ! »
Démon viril s’assoit déjà,
tisse toile, rit fol.
« A bu ? O le serre cul !
Si Ul t’a dit haï
tu l’as menu.
Or l’écot, à quand ? »
Gaulons.
On donne nitro :
« Hi, null. T’as tordu loi.
Vu, chaton ?
— Hell ! »
Muni de l’outil,
sa bobine tua gork.
Klan égara le troll.
N’a duit : adieu négro !
Gars impuni dit OK.
Gong seul non loin:
Ola ou rêve ?
L’Adam molli retombe oisif,
ample et vide, alité.
Loin de jobs.
Grillot local.
Berlue, jeu.
Nuit.

 

Science
Scherzo

Poursuivant inquiets vos cruelles chimères
Calcinés au grand feu monstre noir obsédant
Vous pauvres fous dressez ces bras en maraudant
De fulgurants éclats ciel geste impie tonnerre

Pénétrant silencieux vos ténèbres épaisses
Fidèles à l’ingrat verdict né du fracas
Libres idiots surpris par le jeu sans bronca
Aux repères occlus cherchez option maîtresse

Mais ne mûrit aucune certitude nette
La jalouse épousée torture vos raisons
Hymen amer ivre héros pauvre toison
Terrible voie de fer entre les lois muettes

Vide véhiculant vérité volatile
Grain jamais ni mangé moulu ni moissonné
Mer morte naufrageant courage irraisonné
Destin fou destin frappant décision gracile

Cet élan nécessaire écarte la limite
Libre jeu trop fuyant des hères inconscients
Grand influx sans jalons menant ivres patients
Loin loin temps infini long orgueil noir mérite

Heureux matin de joie lorsque ces longs dilemmes
Percutant nos blocs noirs immunes vérités
Voient espace enfin fol étaler vastité
Terrifiante lueur mûrir nouveaux problèmes

Ravageuse raison redémontant rouages
Renversants relevés rompant toute notion
Interdits mis à nu noire libération
Hideuse poésie fomentant émondage

Telluriques visions ordonnant lueurs folles
Mondes marmoréens pesamment soulevés
Univers inversés paradoxes prouvés
Secousse restituant à chacun parole

 

Présence
Adagio

sans rien voir
au cadran tactile
doigts courent métissant les codes
à sa nièce
tant de secrets va
chuchoter

souriant
d’un doigté malin
il tapote le clavier froid
se joue palpant ce curieux mécanisme animé

tout courbé
sous l’ongle du temps
souffrant l’image furieuse
du torrent
déferlant flot noir
qui vous traîne

magie belle
où l’engin sonore
murmurant sec grésillement
émet puissant ré tremblé jailli tel flûte à bec
et timide il saisit le magique joujou tout illuminé
soudainement
il colle aux lèvres son cône arrondi voix tellement fluette
voix laconique répétant terrorisée tu m’as dit midi ?
l’isolé qui rejette sous l’humilité calme sa si tragique régression
cachée sous de furtives tristesses joliment contenues
accepte l’irrévérence de l’aimable et fantasque
parente
celle-là marie d’infinis trésors laissant son rire illuminer l’air
si pesant qui a saturé son lancinant blabla expirant
presque front hagard ou d’un coup impérieux
maudissant tout sans montrer quelque raison
puissante pour s’indigner calmé quand paisiblement
la filleule vigilante accroche un clair joyau sur l’ordre
noir

quel coeur bat
chez femme intérieure
fidèle    corazon     tremblant
tel l’aile allant par les lignes bleues des flux migrants
dans l’ombre impalpable enlacée au creux d’une intimité
qu’elle tient ignorée
quel secret brûle les plis lutins et malicieux couvrant d’ourlets
les paupières posées sans trouble sur l’oeil brun levé
calme et clair
tandis qu’ils inventent le libre maniement du micro la faible
croûte d’albâtre s’appose formant un liniment dont
l’homme façonne un lien magique et s’unifient gélives
leurs plaies trop acceptées

vérité
tellement gravée
vécu glacial trop engrangé
signal laid qu’il vomit sifflant déjà l’outretombe
puis la paix s’abandonne l’intimité douce baigne pâle lac
blanc qu’il longe
refrain confiant calme apaisant ardeurs mêlées jouissance
d’un temps futur allégé ritournelle simple nourrie
d’heureux jours qu’on narre

doucement
impérieusement
le fin chemin phonique va
liant fort simples foisonnements flambeaux nouveaux
réfutant l’ample écart par l’accord mêlant belle alchimie
l’ange et l’innommable

un long soir
tiède et caressant
la femme vive au vent bercée
balaie sa vie filée long rail d’enfers déjà loin

l’écorché
sur l’île éloignée
vers le large abat les amarres

sous le ciel
très loin des toits ternes
deux murmures

 

Peur
Vivace

Ce gauche et basique bigophone se vautre,
Faux bibelot démodé, noir, bon goût rétro,
Cotoyant photos, blague, tunes, décalogue.
Son clavier, rebutant piano, commun chromo,
Arbore mille feux dès timbre aigu bang ose
Rutilant effet du flambant mythe techno.

Gauler mec trop malin

Moment qui griffe : le faux gong imbu demande,
Lançant sol ut fa de guingois, conga planant,
Gore allo, qu’on vogue à la minute. Gamme enfle
Diable fou, snobant nos gothiques fondements.
Qui t’appelle à minuit sans message à distance ?
Venin glace âme à nu, le gourd effroi venant.

Mal finira : Prévu

Gare laisse tomber pars ! fais vite fais vite.
Seul. Jeu nerveux non codifié, gars déconfit.
Son du banal coucou répétant « cou » ludique,
Gong au si trouble appel aguichant l’homme impie,
Ne doivent révoquer l’étau frôlant, que mille
Lumières, spots sanguins, gainent d’émaux roussis.

Gap grave, homme à casser

Fatigue prend l’enfui nigaud : faute banale.
Ce glas nie, quand doit filer. Gros gibier, moi ? Bah
Jamais peur ne m’aura. Toqué, bègue, fais gaffe.
Rogue flic, qui noue déjà son filet tout bas,
Liane gordienne innommée manigance en rage,
Ciblant l’âme égarée d’affolant rêve ingrat.

Préparer blanchiment

Strident, miaulant, caquetant, mugissant, sévère,
Scandant violent raga, tel tuba faux gâté,
Gargotant tout le temps, simulant noir tonnerre,
Le diable invectivant comme un dingue botté
Gémit mornement, phone animé qui nous guette,
Vieux magot gore étalé jetant bips timbrés.

Net là mégote trop

Gars qui voit manigance aller, leste mygale,
Fléchit: Vois-tu, galère imbibe amer gaga.
Cette attaque garce je la laisse à la dague.
Que l’écoute force mal l’homme qui fauta !
Viens là beau dogue, si tu n’as d’égards, ne gâche
Ma sereine mort, mon gai départ. Mange, aga.

Simagrées : fatal mot

Rien ne gêne l’homme, ni lock, ni toit sous faîte.
Flic galonné non nul au regard allumé
Mène enquête : maigre étoffe bande assez laide…
Devant tel décès clair et vide il a rejet,
Nie, devant le pauvre gosse égueulé, loi nette.
Jusqu’au ciel colère élève fol édenté.

Cas traité


Ce poème est dédié à Bell et Meucci, dont l’histoire dira peut-être lequel a inventé le téléphone. Deuxième expérience de poème sur le plan d’une sonate, ce texte se présente en quatre mouvements, dans lesquels une même contrainte est déclinée sous quatre variantes différentes.
La contrainte suivie est la contrainte téléphonique dont je propose la définition suivante: On utilise un très grand nombre, dont les chiffres successifs déterminent une lettre devant correspondre aux trois lettres figurant sur la touche correspondante d’un clavier téléphonique:
2=a,b,c ; 3=d,e,f ; 4=g,h,i ; 5=j,k,l ; 6=m,n,o ; 7=p,q,r,s ; 8=t,u,v
Les contraintes associées à 0,1,et 9 varient d’un mouvement à l’autre.
Pour l’allegro, chaque lettre successive doit suivre la contrainte et 0,1,9 sont libres.
Pour le scherzo la première lettre de chaque mot doit suivre la contrainte et pour 0,1,9 on doit prendre soit w,x,y,z, soit les lettres du dernier chiffre 2 à 8 rencontré : contrainte « acrotéléphonique » qui m’a été soufflée par Gilles Esposito-Farèse que je remercie pour son aide.
Pour l’adagio dans chaque syllabe successive, l’une de ses lettres doit respecter la contrainte, et pour 0,1,9 on doit prendre soit w,x,y,z, soit les lettres du dernier chiffre 2 à 8 rencontré.
Pour le vivace (composé en très grand Bigollo) chaque consonne phonétique doit respecter la contrainte, les voyelles étant libres; pour 0,1,9 la consonne est libre.
Le nombre utilisé ici a été constitué en prenant les 4 derniers chiffres des numéros de téléphone de l’annuaire 2012 à la première page de la rubrique « Chambéry ». Voici ce nombre:
748291243609873120363192 418708938254863954795072 176261969296593807424078 083335068990456901696624 030304236350108314404756 475984569946359253762648 033918956670019700864111 654730896536077847100217 318988755698623343931326 522770259244117957941567 191792083752655977711446 061711478607984715364302 697456233541520159071179 224343143562605911125141 316660471592916411350840 710095199836522865171779 985748582348494805976168 675321821826342856696636 661648064498558208070856 488042861495518643359884 572260400802407555093421 210976556238192341863476 409716016430965406413856 965616652687383521266650 401960206498321753388130 290835046305917474556850 2152975035380808
Pour le scherzo, très volumineux, seuls les 8 premiers groupes de 24 chiffres sont utilisés. Les autres mouvements utilisent le nombre en totalité.
Posté sur la liste Oulipo le 18 février 2013.

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