Journal 2019

<– 2018  —– Journal —– 2020 –>

 

29 décembre : Un nouveau mois du Pataméride s’est écoulé, le mois de Sable.

du 1er décembre – 1er sable – Noces de Balkis et de Salomon

Les tanks, le talion,
Est-ce bien ton idéal ?
Ton éden à toi ?

jusqu’au 28 décembre – 28 sable – S. Cervelas, penseur.

Casser la serrure.
S’en aller au lac sans lune
Laver sa parure.

5 décembre : Journée nationale de grève et de manifestations contre (notamment) la réforme des retraites.

La fourmi nous pique ?
Cigales, manifestons :
Demain chanterons.

30 novembre : Un nouveau mois du Pataméride s’est écoulé, le mois d’As.

du 3 novembre – 1er as – Nativité de Pantagruel.

Vide le vin pur,
Ingurgite la géline,
Dilate le ventre.

jusqu’au 30 novembre – 28 as – Nativité de S. Swift, chanoine.

Sa descente en snow
S’acheva sans accident
Dans ce tas de foin.

26 novembre : Nous apprenons le décès la semaine dernière de Patrice Besnard, membre de la liste Oulipo, et dont les belles réalisations sont visibles sur son site Omnitextes.

Patrice Besnard, ce magicien de mots, adressa
ces anagrammes cotées, dit ce brin de paradis

24 novembre : Oulipo fête ses 59 ans

Pour avoir son île bannie,
Bon anniversaire, Oulipo.

18 octobre : En réaction à une tribune signée par 40 personnalités de la culture pour la défense de la corrida.

par habitude par tradition

par habitude par tradition
magnifique en l’habit de lumière
dansant avec grâce et distinction
il plonge une lame meurtrière
par habitude par tradition

long murmure commune passion
les poitrines autour de l’arène
s’animent d’une seule pulsion
autour de la mort souveraine
par habitude par tradition

soleil couleurs flamme élévation
la musique triomphe charnelle
soudain monte une rauque ovation
quand le mâle foudroyé chancelle
par habitude par tradition

on a mandé l’évacuation
de la charogne que mouches tètent
déjà se gonfle une acclamation
ils font entrer une autre bête
par habitude par tradition

l’enfant qu’on rhabille avec affection
ne parle pas tourne dans sa tête
d’écorchés l’atroce procession
puis dans un rire il rejoint la fête
par habitude par tradition

Voir la page de ce texte

15 octobre : Nouvel opus de « La Ronde », échange littéraire entre blogs. J’accueille Franck pour :

Épreuve : Case 4, page 16. Écrire et non pas décrire l’image.
Vous avez deux heures.

L’image occupe la moitié centrale de la page qui, généralement est occupée par deux lignes de trois à quatre cases. L’album, daté de 1948 l’année même de sa création, est un collector acheté chez un bouquiniste sur les quais de Seine, à deux pas du Boulevard Saint Michel, un jour de grand froid ensoleillé. Nous regardons une scène de théâtre ou de music-hall où se déroule un évènement inattendu au sein d’un numéro de prestidigitation. Jamais je n’ai assisté, ailleurs que lors d’émissions de télévision, à un numéro de prestidigitateur en vrai, avec des envolées de colombes blanches parties d’un nuage de fumée, des cordes interminables déroulées par un bras, des corps sectionnés, séparés puis réunis pour le plus grand soulagement du public ébahi. Bien que rien dans l’image ne le laisse supposer, il s’agit de la scène du Music-Hall-Palace, célèbre mais qui pourtant n’a jamais existé. Nous y avons souvent vu les numéros dont celui de Madame Yamilah, la voyante sous hypnose qui s’évanouit en devinant le futur du mari d’une femme de l’assistance, un cinéaste sous la malédiction d‘un soi-disant dieu solaire. Notre regard part de la droite de la salle de spectacle, en contre-plongée vers la scène, ce qui nous positionne au niveau d’une loge ou d’un premier étage au-dessus du parterre et de la fosse d’orchestre qui se situe, comme attendu, immédiatement sous la scène. L’ambiance est à l’excitation quand le public prend place, vient au spectacle après s’être préparé, les ouvreuses comme guide, ah pardon je crois que c’est ma place, excusez-moi et toute la rangée de se lever pour laisser passer à frottements serrés les retardataires. Les lumières qui clignotent et qui baissent en intensité progressivement, la sonnerie qui retentit, puis le silence qui précède le début du spectacle ou du concert, le meilleur moment de la soirée, l’attente interrogative mais sereine. Au premier plan, devant notre regard, se dressent des spectateurs et des spectatrices, tous attentivement absorbés par ce qui semble être une péripétie chaotique et inattendue sur la scène. Sortie du prétendu chapeau magique, une énorme tête de taureau ou de vache avec une cape rouge accrochée à la corne droite est soutenue par une paire de jambes qui marche à grands pas vers le milieu de la scène. Le prestidigitateur surpris, les manches relevées, crâne chauve avec une couronne de cheveux noirs qui part au-dessus des oreilles, regarde le minotaure improbable qui se dirige vers lui en bousculant une chaise et le chapeau haut-de-forme en l’air, juste au moment où il bascule de l’équilibre entre élévation et chute. Cinq traits auréolaires expriment la surprise du prestidigitateur qui n’avait pas prévu cette apparition. Ces mêmes traits, dans une autre circonstance, auraient pu aussi bien représenter, exprimer sans mots, la colère. Encadrant le profil ovin, un tableau est accroché à la partie gauche du minotaure, sans, semble-t-il, être fixé à, ce qui aurait pu être plausible, la corne gauche. Une grosse cloche pend sous la tête de taureau, qui emplie la salle de trois puissantes évocations de son en caractères gras distribuées dans trois directions, une vers la partie supérieure droite de la tête bovine et deux plus rapprochées vers la partie gauche : DONG, DONG, DONG. Cinq étoiles, de couleur jaune, rouge, violet, carmin et bleue sont distribuées entre les dongs en auréole, soulignées par un trait zigzaguant autour de la tête du minotaure. Un feu d’artifice en quelque sorte, dont le diable jaillissant serait le bouquet. Sont-elles l’expression de surprise, de stupeur ou bien de douleur créée par le poids du gigantesque masque ? Derrière le prestidigitateur, au milieu de la scène, trône une table recouverte d’une nappe vert clair, du même vert que la chaise en train de tomber, bousculée lors de l’intrusion par le minotaure. Sur la table, un cylindre rayé jaune et noir est posé. À la poursuite du trublion, venant des coulisses, un homme en smoking lève le bras gauche et court après lui. Il est suivi par une tête casquée évoquant un pompier en habit d’apparat du début du vingtième siècle. Le corps probable sous la tête du pompier est caché par le grand rideau rouge tiré et retenu par une corde jaune, du même jaune que le bord inférieur du rideau de scène. Ce rideau lourd en velours rouge qui cache la scène et son décor au public avant la représentation et qui, par magie, s’écarte sans bruit quand la lumière faiblit et que le silence devient la rançon de l’attente. Le fond de scène est envahi par l’image d’une immense chauve-souris jaune sur fond bleu clair dominée par un point d’interrogation. La chauve-souris, aux yeux en amande et aux cornes diaboliques, semble fixée sur une étoile en sextant formée de deux triangles jaune inversés. La scène est dominée par cette figure étrange qui fait littéralement planer un inquiétant mystère. Le plancher de la scène est d’un grège homogène où ne se projette aucune ombre. La scène est encadrée, outre le rideau rouge écarté, par une ouverture crénelée jaune bordée de kaki. A droite de la scène, une haute loge ventrue aux décors précieux est encadrée par deux statues, torses nus, bras croisés et dont les regards convergent. Elle est ornée d’un rideau rouge plus sombre pour évoquer la salle plongée dans la pénombre pendant le spectacle. C’est la seule loge vide de tout spectateur. Comme souvent ces loges d’honneur sont vides, en attente d’une célébrité ou d’un personnage important qui ne viendra pas. Le regard y revient souvent, sait-on jamais, si une apparition discrète survenait. Au-dessus de la grande loge vide, au troisième niveau, quatre personnages se penchent vers le bas et la scène, une femme en tailleur bleu clair avec chapeau assorti et un homme à lunettes, moustache et crâne chauve, un tronc et un buste. La vue de la scène, de ces hauteurs, est un halo de lumières dans la semi obscurité. L’impression de domination compense la frustration de ne pas pouvoir se payer un billet plus cher pour s’approcher de la scène. On en profite pour apprécier le jeu complexe des projecteurs sur leurs rails suspendus, comme nous, au-dessus de la salle, près des angelots grassouillets et rubiconds. En-dessous de la grande loge vide, une petite loge contient un couple en habits de sortie, qui exprime une surprise en projetant le torse vers l’arrière, la main gauche de la femme posée devant sa bouche. Trois loges sont étagées en deuxième position de la grande loge vide et de la plus petite occupée par le couple surpris, sur la gauche de l’image. A la loge supérieure, deux hommes et trois femmes sont représentées. Un homme moustachu en complet gris et une femme en robe vert clair se tiennent debout derrière deux femmes et un homme, assis derrière la balustrade, accoudés et penchés en avant, le regard vers la scène. La femme accoudée le plus à droite de la loge étend le bras gauche et tourne le visage vers les autres pour les prendre à témoin. Elle porte un chapeau rouge noué sur le sommet du crâne. Dans la loge juste en dessous, sept personnages ont le même genre d’attitude de surprise évoquée par leur position. Deux hommes et une femme se tiennent debout en fond de loge, dont un homme en complet rouge sombre se penche au-dessus des personnages assis devant la balustrade. Trois hommes et une femme sont assis au premier rang de la loge. Un jeune homme se retourne vers les personnages assis et tend le bras droit vers la scène en lui tournant le dos, pour les prendre eux aussi à témoins. Une femme au chapeau noir se tient à demi levée à l’extrémité de la loge et porte une paire de mini jumelles aux yeux en regardant vers la scène, comme si le fait de se lever allait améliorer la performance de sa vision amplifiée. La cible, à travers les jumelles, est difficile à cerner au début, notamment du fait de la lumière aveuglante venant de la scène mais aussi du fait de l’accomodation nécessaire pour faire le point sur les parties de sujets amplifiés par les lentilles, en particulier sur une cible mouvante comme un minotaure en furie. Dans la loge inférieure, six personnages sont assis et regardent tous vers la scène. Ils sont attentifs mais calmes, à distance du chaos ; un homme, une femme et deux enfants, une jeune fille avec un noeud dans les cheveux et la tête d’un jeune garçon. Assis derrière ce qui évoque une famille venue au spectacle, un couple plus âgé qui pourrait représenter les grands parents ou n’importe quel couple étranger. Quatre rangées de spectateurs du parterre sont partiellement représentées. Dans la première rangée, juste devant la fosse d’orchestre sont représentés quatorze personnages dont deux hommes se sont levés. Dans la deuxième rangée, des quinze personnages, dix femmes, quatre homme et un enfant à priori de sexe masculin, un homme et une femme se tiennent debout. Dans la troisième rangée tronquée, huit spectateurs dont deux en position debout, un homme et une femme, font face à la scène. De la quatrième rangée du parterre ne sont visibles que trois personnages, une femme assise, un homme debout et le chapeau d’une spectatrice assise. Sous la scène, la fosse d’orchestre est représentée en partie dans une courbe qui entoure le plancher devant elle. À l’extrême droite de la partie de la fosse, qui serait en fait le centre même de celle-ci si elle avait été représentée dans son ensemble, et non pas dans la perspective de notre regard, se tient debout le chef d’orchestre. La baguette est suspendue dans sa main droite, bras semi fléchi. Il a lui aussi le dessus du crâne chauve cerclé par une bande de cheveux noirs. Huit têtes de musiciens sont représentées ainsi que quatre archets en l’air, un pupitre ouvert et un violoncelle tenu par un homme en costume noir et chemise blanche, crâne chauve et couronne de cheveux noirs, le visage tourné vers la scène dont l’expression est masquée par le manche de l’instrument. Les personnages au premier plan, juste devant notre regard, sont donc tous debout. L’arrière d’une tête féminine à gauche, cheveux châtains mauve, mi longs, en tailleur vert et col de chemise relevé. A sa droite, un homme est appuyé sur la rambarde de la loge, la main gauche posée sur le rebord. Il porte un costume gris, a le front dégarni et les cheveux blonds coiffés en arrière. Il a le profil de Edgar P. Jacobs. Derrière lui, la tête et le col d’un homme portant lunette et moustache avec le crâne chauve et un collier de cheveux noirs autour. Sur la droite de la loge, trois femmes et trois hommes sont en enfilade et regardent tous vers la scène. Au-dessus d’eux, le bord inférieur de la loge supérieure d’où pointe le bras d’un homme en costume. Comme pour nous inciter à regarder dans cette direction…

Que nous est-il arrivé pour que la plus drolatique représentation de chaos sur une scène de music-hall passe de la perturbation un rien scandaleuse à l’évocation d’une tuerie de masse aveugle et révoltante ?

Voir la page de ce texte. On trouvera ma contribution sur le site « Promenades en ailleurs » de Marie-Christine Grimard qui accueille mon poème « revenir, étreindre, rêver », également visible sur talipo.

26 septembre : Décès de l’ancien président Jacques Chirac. Une anagramme.

Jacques Chirac est mort.
M’acquit trocs, jachères.

22 septembre : Un nouvel article paraît aujourd’hui : on y trouvera les haïkus express fondus, mis au point le 18 septembre et qui sont régulièrement publiés sur Twitter à partir d’articles du journal Le Monde, selon un mélange des techniques des poèmes fondus et des poèmes express, dus respectivement à Michelle Grangaud et à Lucien Suel. Ci-dessous, le premier de ces haïkus :

Le mouvement bleu,
Ce n’est pas assez pour lui.
Rien. Une bascule.

18 septembre : L’IFOP ayant rendue publique la photo ci-dessous, une réaction en haïku

il prend mon cerveau
tranche déconnecte arase
et me voilà beau

7 août : D’actualité :

au referendum
d’initiative en partage
j’ai participé

6 août : Monsieur Salvini a obtenu aujourd’hui une large majorité du Sénat italien sur le décret frappant lourdement les navires humanitaires sauvant les migrants en perdition dans la Méditerranée. Un twoosh 280 :

Sénateurs d’Italie
D’un cloaque de sang
Avez vous abaissant
Pure terre salie

Péninsule jolie
À présent pourchassant
Le fuyard innocent
D’où te vient la folie

Honte de ce pays
Le décret obéi
Sur lui jette la tâche

Du faisceau renaissant
Résonne vil accent
Que nul ne reste lâche

21 juillet : Il y a un mois, la fête de la musique s’acheva sur un drame.

Sot tue sève :
où est Stève ?

27 juin : Avec à son bord 42 migrants à bout de force, le navire humanitaire « Sea Watch » décide malgré le blocus des eaux territoriales italiennes d’entrer au port de lampedusa:

( Matteo Salvini )
Président décadent, morsure de lad déjà pâli.

( Carola Rackete )
 » J’ai décidé d’entrer dans le port de Lampedusa. « 

et aussi :

Carola Rackete
à trac aère ? – Lock !

Sur un sujet analogue, voir le poème écrit sur l’Aquarius

21 juin : Les poètes sans frontière organisent une chaîne de la Paix. A l’invitation de Giovanni Merloni, ce quatrain ira rejoindre les contributions à la page qu’il dédie à cette journée de solidarité.

J’avais un revolver. L’elfe s’intéressa :
 » Quel est cet os coudé qui dans ta main scintille ?
– Quand j’ai raison, je tire et l’autre décanille.
– Si tu as tort ? – Je tire !  » Et, voltant, me laissa.

13 juin : On commémore ces jours-ci le premier anniversaire de l’odyssée de l’Aquarius, navire secourant les migrants en perdition sur la méditerranée, et qui a dû renoncer à poursuivre sa mission.

Le naufrage de l’Homme

Si l’on te dit du bien de Monsieur Salvini,
Si de Monsieur Macron l’on vante l’habitus,
Si l’Europe prétend offrir le pain bénit,
Souviens-toi de l’Aquarius.

Si tu te vois montrer qu’urgence est, cette année,
Au godet en plastique, au bonus, au malus,
A prendre au retraité sa pension surannée,
Souviens-toi de l’Aquarius.

Si la Droite se dit chantre du genre humain,
Dénonçant l’avorteur qui tue en l’utérus,
Car toute vie a droit qu’on lui tienne la main,
Souviens-toi de l’Aquarius.

Si l’on dit  » L’Occident prône la religion
Dont le bel étendard est l’amour de Jésus,
Qui pardonne à qui fait acte de contrition  »
Souviens-toi de l’Aquarius.

Si l’on te dit  » La France est pays de héros !
Elle en tire sa gloire, à l’égal de Phébus,
Et rayonne au dessus des peuples immoraux  »
Souviens-toi de l’Aquarius.

Si l’Homme t’est décrit naturellement bon,
Défendant l’animal, le fou, l’homunculus,
Le crime étant le fait de quelques seuls gibbons,
Souviens-toi de l’Aquarius.

Si de la Femme enfin, dit-on, est reconnue
Une valeur égale aux porteurs de phallus,
Pense qu’en deuil, au loin, des mères pleurent, nues.
Souviens-toi de l’Aquarius.

Voir la page de ce texte

2 juin : Le philosophe Michel Serres vient de mourir.

Michel Serres meurt,
Muse récrit l’Hermès.

27 mai : Après l’écœurement des élections de la veille, un peu de réconfort en découvrant au Pataméride le troisième volet d’un triptyque d’Annie Hupé que j’accueille avec joie sur ce site :

Liberté, égalité, fraternité

n’appartenir ni
à ta nation, à ton père
ni à ta prière

cet amant me ment
écumant tu me menaces
ma faute m’enfête

boubous ou turbans
marmots ou mourants
manants ou bantous
partout murmurons amour
sans barons brutaux
sans bourbons obtus
patrons assommants
sans tabou nommons amour

Voir la page de ce poème

24 mai : ce que ne sera pas mon bulletin.

je ne pourrais voter emmanuel macron
que lors du second tour d’une présidentielle
pour barrer de le pen l’affre pestilentielle
alors oui seulement je voterais patron

c’est un homme de droite extrême il est marron
le régime qu’il veut sert une clientèle
qui pour mieux nous sucer telle aragne cruelle
prend le peuple en sa toile et lui ouvre le front

le bulletin que je vais déposer dans l’urne
ne sera ni celui de l’hydre aux noirs refrains
ni du capitalisme aux accents souverains

pour sortir mon pays de sa prison nocturne
je choisirai les résistants au poing d’airain
se battant sans faillir pour vivre un temps serein

15 mai : La Ronde, échange bimestriel entre blogs, paraît aujourd’hui sur le thème « Désir(s) ». J’accueille avec plaisir Dominique Hasselmann :

(Re)passage du désir

Dans Paris, il existe un Passage du désir, il débute au 89 rue du Faubourg Saint-Martin et se termine au 81 rue du Faubourg Saint-Denis (10e). Il a pour fonction de relier l’un à l’autre. Hélas, ce « raccourci » a été privatisé, et maintenant il faut taper un code pour pouvoir l’emprunter.

Le désir serait donc soumis à la digitalisation (savoir appuyer au bon endroit) pour que la porte s’ouvre et que celui-ci, selon le titre d’un film de Wim Wenders, prenne son envol à tire-d’ailes.

Je me souviens de la représentation d’une pièce de Picasso, Le Désir attrapé par la queue, théâtralisée et dessinée à grands traits, où le plaisir vient se conjuguer avec son objet même.

Là, les grilles apparentes ressemblent à des cils en métal, les yeux langoureux s’échappent par leurs interstices, mais le désir est un envol que rien ne saurait abattre : les oies sauvages échappent aux fusils de chasse à deux canons des abrutis.

Passage du désir : un roman policier de Dominique Sylvain (Viviane Hamy, 2004) porte aussi ce beau titre.

Le plaisir se retrouve toujours entre les bras (les parenthèses) du désir.

La-ronde-mai-2019_6.5.19_DH

Pays-Bas, 6 mai 2019 (cliquer pour agrandir)

texte et photo : Dominique Hasselmann

Voir la page de ce texte ainsi que ma contribution à la Ronde « Il n’a pas désiré » chez Guy Deflaux

1er mai : Démarrage du nouveau projet annuel, le Pataméride ! Chaque jour un haïku en beau présent sur le nom du jour dans le Calendrier Pataphysique. Ci-dessous la première livraison :

1er mai – 12 Palotin – Réprobation du travail

L’idole dorée
Te boit, dévore œil et ventre.
Riante, t’oublie.

15 avril : Notre Dame de Paris est la proie des flammes.

les flammes serpentent
la belle dame chancelle
sous le ciel obscur

30 mars : Naissance d’une merveilleuse petite fille.

devenir grand père
et dans l’aube d’un printemps
fleurir de bonheur

27 mars : Aujourd’hui paraît le dernier des six poèmes de la Suite berlinoise.

Oberbaum

par ce pont
jeté sur les larmes
le pèlerin privé d’espoir
s’avança croyant arpenter un cloître emmuré
le vent sifflait entre les colonnes de brique il charriait l’odeur de la mort

sous cette arche
l’eau couleur d’automne
murmurant des noms effacés
dans sa torpeur glissante s’éloignait lentement

atteignant
la rive opposée
près du mur aux dures couleurs

dans la foule
pullulante il vit

un visage

Voir la suite en totalité : 1 Linden 2 Insel 3 Einsinken 4 Mutter 5 Gedenkstätte 6 Oberbaum

25 mars : Une septuagénaire fut blessée place Tien An Men, lieu interdit, lors d’une charge policière alors qu’elle manifestait pour protester contre l’autoritarisme tendant à la dictature dans son pays. Dans une expression très asiatique notre monarque lui a souhaité une forme de sagesse.

8 mars : Journée internationale des droits des femmes. Un haïku fait suite à d’autres écrits notamment en 2013 et 2015

femme bleu mystère
de ton argile première
monte la lumière

18 février : Ayant lu sous la plume d’une personne très estimée « Injurier un écrivain et académicien est un exercice intellectuel difficile. Il y faut du talent, un choix original de mots, un humour cruel. Les antisémites qui ont injurié Fienkielkraut étaient navrants de bêtise et de platitude. Sous ces gilets la crasse. »

les grands et les petits

toi volonté d’écraser l’autre
toi l’argument d’autorité
toi mépris du verbe emprunté
toi courtisane patenôtre
je vous récuse

toi la condamnation sans preuve
toi la ruse du mot fardé
toi l’enthousiasme à lapider
toi poison dans l’eau qui abreuve
je vous récuse

toi le cadenas sur la porte
toi l’insensible majesté
toi le cœur par l’or infesté
toi le sommeil de l’âme morte
je vous récuse

Voir la page de ce texte

16 février : Un article important de François Bon « Mécanismes de survie en littérature hostile » dans un numéro spécial de la revue Littérature réalisé par Olivia Rosenthal et Lionel Ruffel « La littérature exposée ». Une réaction :

aucun ISBN tatoué sur mes recueils
leur grave troupeau
sous les palmes de mon arbre
cherche la chaleur du soleil et de l’amour
chaque mot
dans une vibration qu’entretient le lecteur
devient sa musique
et m’oublie

3 février : Josette Audin, après une longue vie de courage dans la lutte pour faire reconnaître le meurtre de l’état français contre son époux Maurice Audin, s’est éteinte aujourd’hui. Une belle absente :

Josette, quel chemin rêvé de plomb figé,
Avec l’homme giflé, paqson jeté de bord.
Ô combat pour juger l’horreur, au front visqueux,
Qu’ont fols paras, d’abjecte rage, au champ gravée.
De quel bras vif portas ce juste blâme ! Hommage.

Voir la page de ce texte

25 janvier : Le Po’ouli, découvert grâce au magnifique avatar de Nerval (variante du Desdichado) écrit par Nicolas Graner. Cet oiseau reprend en anagramme le nom d’un mouvement littéraire dont Perec était membre, et comme lui nous émeut par sa Disparition.

Po-ouli

15 janvier : Nouvel opus de « La ronde », échange bimensuel entre blogs. Heureux d’accueillir le beau rondel d’Hélène Verdier :

L’abeille a mal

image1-helene-verdier_ronde-janv2019

Au soc de la coque de fer
D’arcs et de ciels flotte le monde
Était un son sortant de l’onde
Mer d’indigos et mâchefer

L’abeille a mal – bourdon de mer !
Forgeant des ronds, menant des rondes
Au soc de la coque de fer
D’arcs et de ciels flotte le monde

L’abeille rêve un univers
Soleils mouillés, galante sage,
l’abeille rit, danse sauvage !
Mais s’ébranlait le monstre amer
Au soc de la coque de fer

image2-helene-verdier_ronde-janv2019

Voir la page de ce texte

Pour ma part j’ai l’honneur d’être accueilli sur le beau site de jacques pour « Le jeune prince et la jeune princesse » écrit d’après Shéhérazade de Rimski-Korsakov :

Pourquoi désirer si fort l’oubli ?
Pourquoi regretter le décret précipitant nos peines,
Ce donjon qui raconte, cruel,
Notre lente succion par l’obscur terreau ?
Le souvenir remonte endeuillé
Recouvrir l’impossible amour, fugitive ferveur,
Et survit l’innocente rougeur feutrée,
L’onde courbe des corps
Rejoints pour accomplir
L’indécente union, teints des frêles rayons
Qu’un pauvre astre inquiet pleure à genoux.

Cours, vent berceur sur la mer ouvrant liquide l’ondoiement serein jaillissant au milieu des jardins marins.
Cours, l’aube claire illumine l’ample caresse effleurant sans fin l’ivre écume tiède charriant un flot d’errances, frissonnant.

Tendus, nos bras offerts librement
Tournent sous l’immobile arceau froid d’un ténébreux tombeau.
Ils répètent ce brusque délire qui
Parcourut l’âme et la déchira.
Plus de détresse crispant nos nuits
Ni de serment d’éternel sort contraint, courbant à vie.
Car d’homme et femme est reçu, double, ce sang,
Breuvage merveilleux,
Voluptueux ferment.
Fort nos bouches de jaspe, chantant,
Nomment la mort jumelle douceur.

ronde-janv-2019_Sherazada_y_el_sultan

Vous trouverez également ce texte sur le présent site, et vous pouvez en entendre une version chantée par l’auteur.

1er janvier : bonne (5×4);(5×4)-(5-4)

Combinez quatre et cinq par multiplication
Du produit retranchez des deux la différence
Que de ces résultats la juxtaposition
Vous apporte l’amour la joie et l’espérance

****

En guise de cadeau ce palindrome express:

L’an déplaît au mage
Qui, soja n’aimant,
D’une croix l’image
Impose âprement.

« Zéro, ce dix neuf ! ». Ôte tofu : « En xi décorez. »

<– 2018  —– Journal —– 2020 –>